ENVOLÉ
تطير
Petite, je persistais à penser qu’un jour je le verrai réapparaître au coin d’une rue. J'imaginais sa longue silhouette sortir de l'ombre et son visage se dévoiler dans la lumière. De mon père, il ne me reste que quelques écrits, et mon prénom. "Leïla" veut dire "la nuit" en arabe. Alors parfois je cherche loin dans la nuit, loin en moi, pour voir si je n'y retrouverais pas un peu de mon papa.
Ces photos ont été prises au Maroc, lors d'un voyage initié pour chercher à creuser cette part de moi même envolée, pour me connecter avec le pays d'enfance de mon père. Je n'avais pas pour but de faire un travail photographique de ce séjour. J'ai juste voyagé, marché sur ses traces, découvert ses amis, et de temps en temps, j'ai pris des photos. C'est seulement après plusieurs mois, en revoyant les images, que j'ai pris conscience de mon regard. Mon regard qui, sans le vouloir, a photographié à répétition des silhouettes mystérieuses, anonymes, isolées. Des corps d'hommes, jeunes et vieux. Des corps allongés, des corps fuyants. Des âmes volantes et insaisissables, comme lui, Papa, comme le désert qui nous glisse entre les doigts.
Cette série est donc le résultat de ce voyage. Elle me fait réaliser que l'espoir d'apercevoir mon père au coin d'une rue ne s'est donc pas envolé, lui.